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TOUT CE QU'IL Y A DE NOUVEAU DANS LA RECHERCHE EN SCHIZOPHRÉNIE
Les traumatismes durant l’enfance chez les sujets à ultra haut risque de psychose
09 octobre 2019
06 janvier 2020
Résumé et vulgarisation par Camille Vézina
Avant de recevoir un diagnostic de schizophrénie ou de vivre une psychose, certains individus dans la population peuvent être plus à risque que d'autres de faire une psychose. Les individus qui sont à ultra haut risque (UHR) de psychose présentent des symptômes psychotiques moins importants que les personnes présentant un trouble psychotique comme la pensée magique ou des idées de référence en plus de présenter certains facteurs de risque importants tels qu’un historique familial de psychose. Un facteur de risque souvent retrouvé chez les individus UHR est le traumatisme durant l’enfance. En effet, il est estimé qu’environ 86% des individus UHR ont vécu un traumatisme durant l’enfance contrairement à 42,7% à 60% de la population générale. De plus, les individus UHR ayant vécu de traumatisme durant l’enfance ont des symptômes psychotiques plus sévères et plus spécifiques. Les études ont aussi démontré que le traumatisme durant l’enfance était associé à la gradation de l’état UHR à un état de psychose.
Certains types de traumatismes durant l’enfance ont été associés à des symptômes psychotiques spécifiques. L’abus sexuel serait lié aux hallucinations, aux expériences psychotiques à contenu sexuel ainsi qu’aux comportements agressifs durant un épisode de psychose. Le traumatisme physique serait lui lié au déficit cognitif tel que la perte neuronale et le dérèglement neuroendocrinien.
Plusieurs explications ont été avancées pour comprendre le lien entre le traumatisme durant l’enfance et les individus UHR. Les traumatismes durant l’enfance seraient liés à la création de schémas négatifs qui rendraient les individus plus vulnérables et ce qui, par le fait même, augmenterait la probabilité que des symptômes psychotiques apparaissent. Les traumatismes durant l’enfance rendraient aussi les individus plus sensibles aux stresseurs et leurs réactions face à ceux-ci seraient plus négatives. Ces réactions au stress créeraient une distorsion de la réalité et accentueraient les symptômes psychotiques. Puisque les individus victimes d’un traumatisme durant l’enfance seraient plus sensibles au stress, leur axe HHS (hypothalamus-hypophyse-glandes surrénales) serait souvent suractivé puisqu’ils sont exposés au stress sur une longue période de temps. Cela entraine une concentration élevée de dopamine et serait lié au développement de symptômes psychotiques.
Aucune intervention spécifique avec les personnes UHR ayant vécu un ou des traumatismes durant l’enfance n’a été validée scientifiquement à ce jour. Toutefois, l’implication de la famille dans l’intervention ainsi que l’apprentissage de la gestion du stress et la psychoéducation semblent nécessaires dans les interventions avec cette clientèle. L’objectif de celle-ci serait de promouvoir la résilience des individus et d’atténuer leur vulnérabilité. De futures recherches devraient donc porter sur l’efficacité des interventions pour les individus à ultra haut risque de psychose ayant vécu un traumatisme durant l’enfance.
Pour voir l'article complet : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0755498218304810
Fekih-Romdhane, F., Fadhel, S. B., Hakiri, A., & Cheour, M. (2019). Les traumatismes de l’enfance chez les sujets à ultra haut risque de psychose. La Presse Médicale, 48(3), 243-249.
Corrélats et modérateurs de la résistance à la stigmatisation chez les personnes ayant des troubles mentaux graves
Résumé et vulgarisation par Briana Cloutier
Les individus avec un trouble mental grave (TMG) peuvent subir de la stigmatisation sociétale (c.-à-d., la stigmatisation imposée par les autres sous forme de rejet, de discrimination ou d'agression), de l’auto-stigmatisation (c.-à-d., la stigmatisation induite par l’individu lui-même via l’acceptation des attitudes et croyances négatives en lien avec sa condition) ou les deux. Cependant, de nombreuses personnes avec un TMG présentent également une certaine résistance à la stigmatisation se manifestant par le refus d'adhérer aux perspectives stigmatisantes et le développement d'une identité distincte de la maladie mentale.
La présente étude visait à clarifier la relation entre l'autostigmatisation et la résistance à la stigmatisation chez 353 adultes ayant un diagnostic de schizophrénie ou de trouble schizo-affectif. Les résultats suggèrent que l'autostigmatisation et la résistance à la stigmatisation sont des processus distincts mais liés, avec la résistance à la stigmatisation contribuant au rétablissement. Plus spécifiquement, les participants présentant des niveaux plus élevés de résistance à la stigmatisation ont demontré un meilleur fonctionnement social et une meilleure estime de soi. Ils ont également plus souvent eu recours à des stratégies d’adaptation centrées sur les problèmes, tandis que les participants présentant des niveaux plus élevés d’autostigmatisation ont eu plus souvent recours à des stratégies d’adaptation évitantes, stratégies ayant tendance à augmenter les perceptions négatives de soi. Bien que des niveaux plus élevés d’autostigmatisation aient été associés aux sentiments de désespoir dans tous les groupes d’âge, cette relation était plus forte chez les participants plus jeunes, ce qui souligne la nécessité d’intervenir tôt chez ceux vivant beaucoup d’autostigmatisation. Il a également été constaté que l’origine ethnique influençait la relation entre la résistance à la stigmatisation et l’autostigmatisation, de sorte que la « double stigmatisation » vécue par les personnes d’une minorité visible diminuait les effets positifs de la résistance à la stigmatisation sur l’autostigmatisation.
Cela souligne la nécessité de poursuivre les recherches sur le rôle de l'ethnicité dans la stigmatisation liée à la santé mentale. Pour mieux comprendre l’impact de l’autostigmatisation et de la résistance à la stigmatisation tout au long de la vie, les futures études devront suivre les individus avec un TMG au fil du temps et évaluer comment ces deux variables s’influencent mutuellement et interagissent avec d’autres facteurs importants (p. ex., les symptômes, la qualité de vie). Des interventions conçues pour augmenter la résistance à la stigmatisation et réduire l'autostigmatisation doivent également être mises au point afin de favoriser le rétablissement des personnes avec un TMG.
Pour voir l'article complet : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0165178118305043
O'Connor, L. K., Yanos, P. T., & Firmin, R. L. (2018). Correlates and moderators of stigma resistance among people with severe mental illness. Psychiatry research, 270, 198-204.
TCC et rétablissement en schizophrénie – une combinaison gagnante
Résumé et vulgarisation par Camille Vézina
La schizophrénie a longtemps été considérée comme un diagnostic à vie qui laissait peu d’espoir pour les personnes atteintes. Cependant, les dernières décennies ont permis de démontrer que la plupart des personnes avec ce diagnostic peuvent se rétablir et vivre une vie satisfaisante. De plus en plus de chercheurs et cliniciens se concentrent sur le concept de rétablissement, c’est-à-dire aider la personne à retrouver l’espoir, l’autonomie et d’aspirer à des buts personnels et de les accomplir malgré les obstacles liés au trouble mental. Cet article offre un bel exemple de la thérapie cognitive comportementale et comment elle se marie au concept de rétablissement à l’aide d’un cas clinique.
Plusieurs personnes atteintes de schizophrénie entretiennent des croyances défaitistes et des attitudes négatives sur leur capacité à atteindre leurs objectifs. « Je ne serai jamais assez bon pour compléter un diplôme d’étude » ou « je ne vaux rien » sont des phrases que l’on peut entendre fréquemment. Ces croyances et attitudes empêchent les individus de s’accomplir et encouragent la non-action et les symptômes négatifs, tels que le manque d’énergie, le manque de motivation et la perte de plaisir. La médication a peu d’effets sur ces symptômes et ceux-ci affectent beaucoup la vie des personnes atteintes. C’est pourquoi il est très difficile pour eux d’élaborer des objectifs de vie et de les réaliser.
La thérapie cognitive comportementale basée sur le concept de rétablissement comporte trois étapes pour amener la personne à réaliser ses objectifs personnels malgré les symptômes négatifs. La première étape consiste à construire la relation thérapeutique, c’est-à-dire une relation de confiance entre le thérapeute et la personne suivie, et ainsi développer l’engagement à la thérapie. Le thérapeute se concentre sur l’individu lui-même et ses intérêts, et non sur son trouble mental. La deuxième étape de la thérapie consiste à déterminer des objectifs personnels. Ensuite, avec l’aide du thérapeute, la personne élabore les différentes étapes pour atteindre ses objectifs. Ceux-ci se doivent d’être concrètes et mesurables. La troisième étape de la thérapie consiste à éliminer les obstacles que la personne rencontrera durant la réalisation de ses objectifs. Les obstacles sont presque toujours liés aux croyances dysfonctionnelles qui maintiennent les symptômes négatifs. Il s’agit donc de travailler sur ces croyances dysfonctionnelles et de trouver des méthodes pour éliminer les obstacles futurs.
La thérapie cognitive basée sur le concept de rétablissement se montre efficace pour diminuer les symptômes négatifs, les croyances dysfonctionnelles et pour favoriser le rétablissement des individus atteints de schizophrénie. Celle-ci offre une source d’espoir et des techniques pour réaliser leur plein potentiel, malgré leur diagnostic de schizophrénie.
Pour voir l’article complet : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1155170418300910#!
Vidal S, Huguelet P. (2018). Thérapie cognitive basée sur le concept de rétablissement pour la schizophrénie : un cas clinique. Journal de thérapie comportementale et cognitive https://doi.org/10.1016/j.jtcc.2018.11.001